LES HALLES EN BOIS DE SEIGNELAY
1 – DESCRIPTION
Si la place centrale de Seignelay a conservé sa physionomie ouverte et bien française du XVIIe siècle, c’est parce qu’elle s’encadre encore aujourd’hui, ne parlons plus hélas du château, des mêmes monuments d’apparence décorative que vinrent construire chez nous, appelés par Jean-Baptiste Colbert (1), les architectes eux-mêmes du roi Louis XIV. citons : l’Auditoire ou salle du Bailliage, les Halles, le Grenier à sel, l’Hôtel de la Couleuvre, etc.
De ces différents édifices, tous d’utilité publique, comme on le voit, c’était celui des Halles assurément le plus nécessaire. Bâties, plantées plutôt, à l’angle de la rue de l’Eglise et de la rue Gâtelot (2), ce sont elles qui, tout de suite, attirent le regard du voyageur ou du touriste. Forme assez étrange, en effet, que ce toit presque plat et très bas, que supportent des rangées de piliers en bois, courts et trapus. sorte de carapace immense, à peine soulevée de terre et où semble s’engouffrer quelque mystérieuse galerie.
D’une architecture unique en France (3), nos Halles ne sont pas très anciennes. Elles ne datent que XVIIe siècle et rien ne prouve qu’elles soient antérieures à l’arrivée de Colbert, c’est-à-dire à l’année 1657 (4).
Plan
Les Halles sont un bâtiment allongé, à plan rectangulaire, orienté vers l’Est et divisé en trois nefs et sept travées. L’édifice mesure 27 mètres de long sur 13 mètres de large. On compte sur sa longueur, huit piliers ou poteaux et quatre, dans la largeur, reposant tous sur un dé ou soubassement en pierre. L’allée centrale est plus large que les collatérales. La travée du milieu est également plus large que les autres.
Toiture et charpente reposant sur 32 colonnes ou piliers, les Halles se trouvent de la sorte complètement ouvertes et isolées de toute construction.
Toiture
Ce qui fait l’intérêt des Halles de Seignelay et son originalité, c’est la forme de sa toiture à pans brisés, dits à la Mansart.(5)
Charpente
La charpente en grande partie, sinon totalement, est composée d’éléments provenant de constructions antérieures (6), ainsi qu’en témoigne cette quantités de mortaises, tenons, etc…, visibles sur presque toutes les pièces de ce merveilleux assemblage.
Autre détail, ces matériaux anciens remployés sont tous en châtaignier, essence de bois, qui a, dit-on, la propriété singulière et appréciable d’éloigner les araignées.
II – HISTORIQUE
En général, les Halles appartenaient au seigneur, à la communauté, parfois même à une simple corporation. Qui a établi, et à quelle date, celles de Seignelay ? La mention la plus ancienne à leur sujet ne remonte, il est vrai, qu’en 1682. Le 23 juin de cette année-là, lit-on dans le registre paroissial, “un enfant noyé, de sept à huit ans, a été mis sous la Halle”. Mais, bien avant cette date, il est question de Foires et de Marchés et, pour tenir marché, il faut une halle.
Le 11 décembre 1665, Colbert se félicitait de l’affluence de monde qui venait ordinairement à Seignelay les jours de marché et des nouveaux habitants qui s’y fixaient.
Plus tard, à la Révolution, lors de la confiscation des biens de la maison de Montmorency, le bâtiment du Bailliage, celui de l’Hôpital, la Halle et les contre-allées de la route qui, tous, appartenaient au duc et à la duchesse de Montmorency, ne furent pas portés sur la liste des biens confisqués, et cela uniquement parce qu’ils étaient affectés à un service public. ils n’ont donc pas été vendus, comme les autres biens et, grâce à cela, continuèrent de recevoir l’affectation qu’ils avaient eue jusque-là.
Ce n’est pas que le District d’Auxerre n’ait pas eu la prétention de faire vendre quelques-uns de ces biens.
Le 22 messidor an IV (10 juillet 1796), l’Agent municipal de Seignelay fait opposition au projet de vente du four banal, de la Halle et des bas-côtés de la route (7).
” Le citoyen agent de la Commune de Seignelay a dit : je viens d’apprendre que le four banal, la Halle de cette commune et les bas-côtés de la route qui traverse la Commune sont soumissionnés et que l’arpenteur et experts désignés par l’Administration centrale sont ici pour faire l’arpentage des bas-côtés de la route.
Comme les uns appartiennent à la Commune et l’autre, la Halle est d’indispensable utilité pour les foires et marchés qui se tiennent dans cette Commune, je vous déclare, en qualité d’agent, que je forme opposition à toute soumission et vente qui pourraient être faites,
1°) de la Halle de Seignelay appartenant à la Commune et bâtie sur la place publique, ce qui la rend de la plus grande utilité, à cause de ses marchés qui se tiennent tous les jeudis de chaque semaine et de ses foires, au nombre de six par an” (8)
C’est donc, à la municipalité, à celle de 1796, que nous devons de posséder encore les Halles.
Lorsque, en 1809, un décret de Napoléon restitua à la duchesse de Montmorency ceux de ses biens qui n’avaient pas été aliénés, les bâtiments du Bailliage, de l’Hôpital de la Halle et des contre-allées.
En 1852, la comtesse de la Chastre désirant racheter le droit de pacage qui avait été cédé à la Commune, en 1787, propose un échange. Contre ce droit de pacage, la comtesse cède à la Commune les Halles, les bâtiments du Bailliage, les contre-allées, plus une somme de 1300 francs.
Reconnue par le Conseil municipal à l’unanimité, comme étant on ne peut plus avantageuse à la Commune, cette transaction est signée le 10 janvier 1854.
Et c’est ainsi que la Commune devient réellement propriétaire de la Halle. Le revenu de la Halle, cette année-là, était de 75 francs. La Commune fait, de suite, faire quelques travaux ce qui lui permet, dès l’année 1856, de pouvoir amodier les Halles pour une somme de 500 francs.
Le seul moyen de sauvegarder nos Halles, un jour ou l’autre exposées à une démolition faute de crédits nécessaires à son entretien, c’était évidemment d’en solliciter et d’en obtenir le classement.
Après maintes correspondances, pas mal de délibérations et aussi une assez forte opposition, les Halles furent classées d’abord par la Commission des Monuments historiques, le 25 juin 1921, et par un décret présidentiel du 31 mai 1922, signé Millerand.
Extrait “Les halles en bois de Seignelay”de l’Abbé Henri Villetard, 1935
Article de Monsieur Christian TORCHET, retrouvez d’autres articles sur: https://seignelay.blog4ever.com/articles
(1) Jean-Baptiste Colbert, fils de Colbert de Vandières et Marie Pussort, il naquit à Reims le 29 août 1619. En 1651, il devient intendant et homme de confiance de Mazarin dont il gère la fortune personnelle et à qui il sert d’intermédiaire avec la Reine lors de son exil. Le cardinal le recommande à Louis XIV, qui impressionné par son zèle et sa compétence, peut-être aussi à son acharnement contre Fouquet, l’appelle au Conseil d’en Haut (1661). Il est alors, sans en porter le titre, le premier ministre du Roi, qui lui confie de plus en plus de responsabilités : bâtiments et manufactures (1664) ; contrôle général des Finances (1665), secrétariat d’Etat à la maison du roi (1668), à la marine (1669). Seules les affaires étrangères lui échappent.
(2) Ce nom veut dire château. Il dérive de castellum dont on a, peu à peu, adouci l’écriture et la prononciation.
(3) Après enquête de l’Abbé Villetard : sur les 85 vieilles Halles en bois existant encore, en France, il n’en est pas une seule qui soit du type de Seignelay.
(4) Extrait de la délibération de la Commune du 7 août 1796 “qu’elle a été construite, à la Corvée, par les habitants de Seignelay ; qu’après plusieurs années de possession, des réparations urgentes étant survenues, les habitants l’abandonnèrent au seigneur”.
On appelait Corvées des services de corps ou des redevances auxquels étaient astreints les habitants de certaines terres. Il y avait des Corvées publiques exigées par le souverain et des Corvées particulières dues aux seigneurs. Les corvées ont été abolies par l’assemblée constituante (nuit du 4 août 1789 et loi du 15 mars 1790).
(5) Du nom de l’architecte du roi Louis XIV, François Mansart (1598 – 1666), qui passe pour avoir popularisé ce type de toiture “toits-coupés ou combles que l’on nomme à la Mansarde.
(6) Peut-être de certains bâtiments du château que Colbert fait restaurer, dès l’année 1658
(7) Archives départementales L 1064 Arrêté relatif à la protestation contre la mise en vente de la halle de Seignelay
(8) Courtépée écrit qu’il n’y avait que quatre foires. Une de ces foires se tenait le jour et fête de Saint Pélerin, premier évêque d’Auxerre, le 16 du mois de mai.